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Utilisateur:Gilles Sahut/Brouillon1

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L'autorité cogntive

La notion d’autorité cognitive a été développée dans Second-hand knowledge : an inquiry into cognitive authority publié en 1983 par Patrick Wilson qui fut professeur à la Berkeley's School of Library and Information Studies[1]. Fréquemment cité, cet essai d’épistémologie sociale a inspiré divers travaux en LIS, notamment ceux de Chatman, Rieh ou Mc Kenzie.

L’origine des connaissances d’un individu constitue le point de départ de sa réflexion. Pour Wilson, la majeure partie d’entre elles proviennent d’autrui, ces connaissances de « seconde main » nous permettant de transcender les limites de l’expérience personnelle. Le but de son travail est donc de comprendre comment sont choisies les sources de ce type de connaissances.

Dans cette perspective, Wilson forge la notion d’autorité cognitive qui traduit le fait qu’un individu accepte et reconnaisse comme appropriée l’influence intellectuelle d’une source (humaine, médiatique ou documentaire). Il prend le soin de préciser que le degré d’influence exercé par l’autorité cognitive peut être variable et suggère donc l’existence d’une hiérarchie des sources pouvant être établie selon ce critère. Wilson relève aussi que l’autorité ne devrait s’appliquer qu’à un champ particulier de la connaissance mais remarque aussi qu’il est fréquent que l’on reconnaisse autorité à quelqu’un en dehors de son domaine de spécialité. Il fait observer à ce sujet qu’en France, ce sont des écrivains et intellectuels qui peuvent s’ériger en maîtres à penser et voir leur influence reconnue sur le plan social, éthique et politique alors qu’aux Etats-Unis, ce sont plutôt des hommes d’affaires qui tiennent ce rôle.

En contrepoint de cette remarque, Wilson identifie les raisons qui peuvent être considérées comme pertinentes pour l’attribution de l’autorité cognitive à une personne. Celle-ci peut tout d’abord se fonder sur l’expérience professionnelle qu’elle a acquise et sur son parcours académique (titres, diplômes). Elle est également susceptible d’être déterminée à partir de ses performances, de sa réussite sociale et de la qualité des informations qu’elle propose. La réputation est un facteur qui peut également intervenir au sens où elle peut favoriser un choix préférentiel parmi plusieurs experts dans le même champ.

L’autorité cognitive ne concerne pas seulement les sources humaines. Elle est également susceptible d’être attribuée aux livres - et en élargissant et actualisant le propos de Wilson, à tous types de documents – de même qu’à des instruments, institutions et organisations. L’autorité d’un document peut alors être reconnue en considérant celle de son auteur et son domaine d’expertise. Elle est également conférée par des instances éditoriales : un éditeur lui-même jouissant d’une certaine réputation, le parrainage de la part d’institutions ou d’associations existantes constituent des formes d’approbation institutionnelles. Un texte est également cautionné par le document-hôte[2] ou la collection dans lequel il est publié. Par un effet de halo, un article qui est publié dans une revue scientifique bénéficie de l’autorité acquise par ce périodique et de celle des reviewers, garants de la qualité du texte, ou du moins, de sa conformité avec des standards scientifiques. Suite à la publication d’un document, les critiques publiées à son sujet ou encore les prix qu’il obtient font croître son autorité. Les bibliothécaires et documentalistes qui choisissent d’intégrer le document dans le fonds documentaire y contribuent également. L’autorité d’un document dépend aussi du genre dont il relève[3] et de son contenu. Wilson considère la plausibilité intrinsèque du texte comme un critère essentiel pour la déterminer, ce qui nous semble-t-il renvoie à certaines facettes de la crédibilité du contenu, tels la cohérence du discours et son adéquation avec les connaissances préexistantes.

Nous percevons donc au travers de cette réflexion que l’autorité d’une source repose sur sa crédibilité mais comme l’affirme Wilson, toutes les sources crédibles n’accèdent pas au rang d’autorité cognitive. Ces dernières se voient attribuer un degré d’expertise supérieure. En effet, elles sont reconnues comme étant capables de proposer un état de la question sur un sujet, de formuler des jugements sur les qualités et défauts d’une thèse, d’attribuer une certaine valeur à propos des opinions existantes et d’indiquer, au final, ce qu’il y a lieu de croire. En d’autres termes, une autorité cognitive est dotée d’une forme de réflexivité dans un champ de savoir donné, ce qui explique qu’elle soit tenue pour une source à privilégier.

La réflexion de Wilson n’est pas uniquement normative (que faudrait-il faire pour déterminer l’autorité cognitive d’une source ?). Elle se situe également sur un plan anthropologique et social. Wilson se penche également sur la manière dont les individus construisent, au fur et à mesure de leur vie, un répertoire de sources de confiance. Les choix des individus paraissent liés à leurs parcours individuels (part du hasard, valeurs et attentes personnelles) mais également à leur expérience sociale. Wilson accorde sur ce point une importance particulière aux instances de socialisation (famille, école...) et au monde du travail. Au cours de leur cursus scolaire, universitaire et professionnel, les individus découvrent de nouvelles sources d’information. L’intégration à un groupe social ou à une communauté suppose d’accepter l’autorité des sources qui y sont reconnues. Selon cette optique, nous pouvons avancer que la reconnaissance d’autorités cognitives est fortement influencée par les normes internes à un groupe social.


[1] Wilson, P. (1983). Second-hand knowledge : an inquiry into cognitive authority. Westport, London : Greenwood Press.

[2] On entend par là l’entité éditoriale (périodiques, actes de colloque...) qui intègre différentes unités documentaires indépendantes (articles, communications...).

[3] Nous reviendrons plus précisément sur ce point dans le chapitre 3 consacré aux encyclopédies.